Epidémiologie de la néphropathie diabétique du sujet Congolais


Contexte 


Les études épidémiologiques rapportent que 15 à 40 % des diabétiques développent la néphropathie diabétique (ND) au cours de leur existence. Il est également connu que, dans le diabète de type 1 (DST1), il faut environ 5 ans pour que la ND survienne; mais, au dépistage du diabète de type 2 (DST2), environ 18 % des patients sont déjà atteints. En Afrique sub-saharienne, plus particulièrement à Kinshasa (capitale de la RD Congo) et ses environs, où l’incidence du diabète ne cesse de croître, l’épidémiologie de cette microangiopathie diabétique n’est pas bien connue.


Objectifs 


Dans la population générale :

 Déterminer la prévalence de la ND lors du dépistage du diabète et de l’hyperglycémie modérée à jeun à (HMJ)
 Dans les hôpitaux de niveau primaire et secondaire :
 Déterminer le profil clinique et biologique des patients diabétiques de types 1 et 2;

Déterminer le delai d’installation de la ND dans le DST1;

Identifier les déterminants de la ND dans le diabète de type 1 et de type 2

 Dans le service de Néphrologie (niveau tertiaire) :
 Déterminer le stade de la maladie rénale chronque (MRC) des diabétiques au moment du transfert en Néphrologie.

Patients et méthodes


4 études ont été réalisées : une étude transversale à Kisantu, à 120 Km de Kinshasa (n = 1759 sujets sélectionnés par sondage aléatoire et systématique dans la population) et 3 études transversales en milieu hospitalier de Kinshasa (niveau primaire n = 181, niveau secondaire n = 381, niveau tertiaire n = 147). Les paramètres d’intérêt étaient : la durée et le type de diabète, l’ HTA, le traitement en cours, la consommation excessive d’alcool, la consommation de tabac,  l’indice de masse corporelle, le tour de taille, la pression artérielle, la glycémie à jeun capillaire (GAJ), l’HbA1c, la créatinine plasmatique, le débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé selon la formule MDRD simplifiée, le lipidogramme, le rapport albuminurie / créatininurie et le résultat de fond d’œil. La ND était définie par une albuminurie pathologique (rapport albuminurie sur créatininurie ≥ 30 mg/g – 299 mg/g = microalbuminurie et ≥ 300 mg/g = macroalbuminurie) et/ou une insuffisance rénale (IR= DFG/MDRDs < 60 ml/min/1,73 m2), sans hématurie. Les stades de la MRC étaient définis selon les recommandations de KDOQI. Les déterminants de la ND ont été recherchés par régression logistique.


Résultats


Lors du dépistage du diabète dans la population générale, les prévalences respectives de la microalbuminurie, de la macroalbuminurie et de l’IR étaient de 36,7 % (IC 95 % : 34,4-39,0) ; 6,7 % (5,5-7,9) et 25,0 % (23,0-27,0). Chez les sujets qui présentaient une HMJ, elles correspondaient à  13,7 % (12,1-15,3), 0 % et 3,8 % (2,9-4,7 %).

En milieu hospitalier de niveaux primaire et secondaire, seulement 19,9 % de diabétiques de type 2 et 7,0 % de diabétiques de type 1 avaient une HbA1c < 7 %. Les co-morbidités étaient très fréquentes dans le DST2 : HTA (39,9 %), obésité abdominale (32,2 %), hypocholestérolémie HDL (78,0 %), hypercholestérolémie LDL (38,8 %), hypertriglycéridémie (16,3 %) et rétinopathie diabétique (48,0 %).

Dans le DST1, la microalbuminurie était dépistée dès la première année du diabète chez 7,1 % de patients. Pour la macroalbuminurie, elle était diagnostiquée après 5 ans de diabète chez  3,7 % de patients.

Les déterminants de la ND étaient  la durée du diabète > 5 ans (OR : 3,1 ;  IC 95 % : 1,6-6,3), l’HTA (OR : 3,3 ;  IC 95 % : 1,4-7,8), l’âge > 65 ans dans le DST2  (OR : 2,8 ;  IC 95 % : 1,2-6,3) et l’âge > 18 ans dans le DST1 (OR : 2,9 ;  IC 95 % : 1,3-6,2). Les anomalies lipidiques n’étaient pas associées à la ND. Le risque lié à l’obésité abdominale était retrouvé dans la population générale (OR : 2,4 ;  IC 95 % : 1,2-4,8), mais non confirmé chez les diabétiques suivis en milieu hospitalier.

Au moment de leur transfert en Néphrologie, 53  % de diabétiques étaient déjà au stade terminal de la  MRC, et 23 % avaient la MRC au stade 4.


Conclusions


Ce travail montre que la ND s’installe plus rapidement chez les patients congolais et sa prévalence dans la population générale est plus élevée que celle  qui est rapportée dans la littérature.  La prise en charge du diabète est sous-optimale et la référence des patients en Néphrologie est très tardive. Le dépistage précoce et la prise en charge intensive et intégrale du diabète s’avèrent indispensables pour réduire la fréquence de la ND en RD Congo.


Mots clés :

Néphropathie diabétique, Epidémiologie, Patients Congolais.