Thèse présentée par Dr Degani BANZULU BOMBA
En vue de l’obtention du grade académique de docteur en sciences biomédicales et pharmaceutiques (ULB) et de docteur en sciences médicales (UNIKIN)
Année académique 2018-2019
Sous la direction de la Professeure Véronique DEL VENNE, promotrice (Université libre de Bruxelles)
et du Professeur Samuel MAMPUNZA MA MIEZI, promoteur (Université de Kinshasa)
RESUME
Contexte : La criminalité est un fléau mondial. Son coût est élevé quel que soit le pays. La criminalité violente représente l’essentiel de ce coût et il est principalement humain. En Afrique et particulièrement en RDC, elle peut constituer un frein au développement. Notre pays ne peut faire face à ce problème par des politiques uniquement répressives. La connaissance des facteurs associés à ce phénomène permettra de le prévenir et d’en réduire les effets néfastes.
Objectif : Notre étude se fixe comme objectif de contribuer à la réduction de l’insécurité caractéristique des zones urbaines de la RDC.
Participants et méthode : Cette étude a été menée à la prison centrale de Makala dans la capitale de la RDC. Un échantillon de convenance de 297 criminels civils de sexe masculin avait été recruté dont 189 auteurs de crimes violents (crime contre la personne) et 108 auteurs des crimes non violents (crime contre la propriété). 203 sujets non criminels appariés sur base du sexe, de l’âge et de la provenance géographique ont été utilisés comme groupe contrôle.
Cette étude cas-témoins a permis grâce à des analyses de régression logistique de déterminer d’une part les facteurs associés à la criminalité violente dans quatre domaines (individuels, familiaux, scolaire et d’affiliation aux pairs) et d’autre part de démontrer l’effet cumulatif de ces facteurs.
Résultats : La criminalité générale est déterminée par les facteurs individuels suivants le fait d’être polytoxicomane (ORa 16,7; IC 95% : 8,675-32,251), un niveau élevé de recherche de sensation (ORa 12,3 ; IC 95% : 3,387-44,593), un niveau élevé de manque de persévérance (ORa 6,5; IC 95% : 2,882-14,909), la consommation régulière de drogues (ORa 2,4; IC 95% : 1,233-4,880) et un niveau élevé d’ouverture (ORa 2,1; IC 95% : 1,150-3,737) ; par les facteurs
familiaux comme l’état civil du sujet (ORa 10,1; IC 95% : 2,870-35,689), la présence d’un emploi informel du père (ORa 4,5; IC 95% : 2,804-7,359), le fait de provenir d’une famille monoparentale (ORa 4,1; IC 95% : 1,769-9,518), la présence de négligence physique (ORa 2,9; IC 95%: 1,782-4,785), l’absence d’étude de la mère du sujet (ORa 2,7; IC 95% : 1,355-5,532), la présence d’un dysfonctionnement familial (ORa 2,7; IC 95% : 1,452-5,024), le fait d’avoir déménagé en famille (ORa 2,5; IC 95% : 1,616-3,960), le fait d’avoir séjourné dans la rue (ORa 1,8; IC 95% : 1,040-3,368) ; par les facteurs scolaires suivants le fait d’être absentéiste (ORa 2,27; IC 95%: 1,443-3,582), re fait d’avoir reçu des sanctions disciplinaires (ORa 1,69; IC 95% : 1,047-2,699), le fait d’avoir redoublé de classe (ORa 0,552; IC 95% : 0,349-0,872) et le fait d’avoir agressé les autorités scolaires (ORa 0,291; IC 95% : 0,139-0,609) ; par des facteurs d’affiliation aux pairs comme le fait d’être membre de gang (ORa 13,6; IC 95% : 6,756-27,675), le port d’arme (ORa 2,85; IC 95%: 1,496-5,421) et les soirées entre amis sans supervision parentale (ORa 1,95; IC 95%: 1,251-3,028) et par des facteurs généraux comme la polytoxicomanie (ORa 13,0; IC 95%: 6,900-24,412), d’un niveau élevé de recherche de sensations (ORa 10,5; IC 95% : 2,479-44,581), du fait de vivre seul (ORa 10,0; IC 95% : 2,267-44,502), d’un niveau élevé de manque de persévérance (ORa 8,0; IC 95% : 3,233-19,808), du fait d’avoir un niveau d’étude primaire (ORa 7,2; IC 95%: 2,495-20,987), du fait d’être membre d’un gang (ORa 7,1; IC 95% : 2,778-17,882), et du fait d’avoir déménagé (ORa 4,5; IC 95% : 2,394-8,479). Ces facteurs agissent de manière cumulative de sorte qu’un haut risque dans le domaine d’affiliation aux pairs (ORa 4,7; le 95% : 8,807-69,245) et dans le domaine individuel (ORa 9,4; le 95% : 3,892-22,867) est associé à la criminalité.
La criminalité violente quant à elle est déterminée par des facteurs individuels que sont le fait d’avoir été victime de crime (ORa 2,3; le 95% : 1,224-4,453), d’avoir une carrière criminelle (ORa 2,2; le 95%: 1,227-4,014), d’avoir un niveau élevé de manque de préméditation (ORa 2,2; le 95% : 1,120-4,379) et d’être dépendant à l’alcool (ORa 1,8; le 95% : 1,040-3,000) ; par des facteurs familiaux que sont la consommation régulière de drogues par le père du sujet (ORa
2,9; le 95% : 1,589-5,450), le fait que la mère du sujet était adolescente lors de son premier accouchement (ORa 2,7; le 95%: 1,318-5,669), l’arrestation du père du sujet pour un acte criminel (ORa 2,3; le 95%: 1,189-4,432), le fait d’avoir séjourné dans la rue (ORa 1,9; le 95%: 1,103-3,363), le fait d’avoir déménagé au moins une fois (ORa 1,8; le 95%: 1,065- 3,010) et la présence d’un emploi informel du père du sujet (ORa 0,49; le 95% : 0,282-0,836) ; par un facteur scolaire qu’est l’agression envers ses condisciples de classe (ORa 2,19; le 95% : 1,156-4,120) et par un facteur d’affiliation aux pairs que est le port d’arme (ORa 1,87; le 95% : 1,051-3,318) et par des facteurs généraux que sont un niveau élevé de manque de préméditation (ORa 2,6; lC 95% : 1,318-5,271), la consommation régulière de drogues par les parents du sujet (ORa 2,5; lC 95%: 1,388-4,699), le fait que la mère du sujet était adolescente lors de son
premier accouchement (ORa 2,4; le 95%: 1,133-5,220), avoir déménagé au moins une fois (ORa 2,3; le 95%: 1,368-3,894), la présence d’une carrière criminelle (ORa 2,0; le 95% : 1,091-3,642), avoir été victime de crime (ORa 2,0; le 95% : 1,026-3,649).
Ces facteurs agissent de manière cumulative de sorte qu’un haut risque dans le domaine individuel (ORa 2,7; le 95% : 1,590-4,692) et dans le domaine scolaire (ORa 2,1; le 95% : 1,191-3,719) est associé à la criminalité violente.
En conclusion, en prenant domaine par domaine, la criminalité violente est déterminée par :
- Sur le plan individuel: une psychopathologie marquée par l’impulsivité et un profil de consommation dépendante d’alcool associée à une carrière criminelle abondante responsable de victimisation criminelle ;
- Sur le plan familial : une famille ayant connu des adversités liées aux conduites déviantes et antisociales (consommation de drogues et arrestation pour crime) d’un père dont l’emploi n’est qu’informel, avec une mère mal préparée-à ses fonctions maternelles à cause de son âge adolescent à son premier accouchement, obligés de déménager souvent et abandonnant l’enfant dans la rue ;
- Sur le plan scolaire par l’agressivité envers les condisciples de classe;
- Sur le plan de l’affiliation des pairs par le port d’armes;
- Sur le plan général par une psychopathologie marquée par de l’impulsivité chez un sujet à la carrière criminelle abondante aggravée par les adversités de la famille dans laquelle il a vécu.
- Sur le plan cumulatif, par un cumul des facteurs des domaines individuels et scolaire.
Mots clés : criminalité, criminalité violente, criminalité non violente, facteurs de risque, aspect cumulatif, domaine individuel, domaine familial, domaine scolaire, domaine d’affiliation aux pairs.