Intérêt de l’analyse de l’expectoration induite dans l’évaluation immunologique de la muqueuse respiratoire des sujets infectés par le HIV. Etudes comparatives dans certaines pathologies affectant spécifiquement l’appareil respiratoire.

[otw_shortcode_info_box border_type= »bordered » border_color_class= »otw-silver-border » border_style= »bordered » shadow= »shadow-down-left » icon_type= »general foundicon-idea » icon_size= »large » icon_color_class= »otw-silver-text »]UNIVERSITE DE LIEGE FACULTE DE MEDECINE Centre Hospitalier Universitaire Service de Pneumologie (Professeur M.F. RADERMECKER) Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Science Cliniques Par Jean Marie KAYEMBE Docteur en Médecine Année académique 1996-1997[/otw_shortcode_info_box]

Résumé

L’analyse de l’expectoration induite est admise à l’heure actuelle, comme une méthode simple et non invasive d’évaluation de l’inflammation bronchique (In’t Veen 1996).
Notre travail s’est inspiré des études de Pin et de Fahy, qui ont démontré la con de cette technique à l’étude des phénomènes inflammatoires au niveau de la muqueuse respiratoire notamment dans l’asthme et dans la bronchite chronique.
Ce domaine est généralement réservé au lavage bronchoalvéolaire ou à des méthodes plus invasives comme la biopsie bronchique ou chirurgicale pulmonaire. Toutefois, pour les raisons évidentes d’ordre pratique et d’ordre éthique, le LBA et la biopsie pulmonaire ne se prêtent que très difficilement à la réalisation d’études itératives, en particuliers chez le sujet sain.

Nous nous sommes donc interrogé sur la possibilité de recueillir des cellules du tractus respiratoires et ceci, surtout sans majoration de l’inconfort pour le sujet. Par ailleurs, la notion fondamentale de compartimentalisation de la réponse immunitaire ainsi que les acquisitions récentes sur l’étude immunologique des muqueuses, justifient à nos yeux, le développement de techniques simples, fiables, sensibles et spécifiques d’accès au matériel cellulaire de ces surfaces. Les muqueuses constituent la porte d’entrée de près de 70% de germes pathogènes dans l’organisme.
La réalisation de ces études nous a permis de montrer l’intérêt d’une technique qui parait appelée à une large utilisation dans l’avenir. La contribution originale principale de notre travail a été d’appliquer la technique de l’expectoration induite à l’étude de la réaction immuno-inflammatoire au niveau de la muqueuse respiratoire chez le sujet infecté par le HIV par le souffrant d’autres affections bronchopulmonaires.

Dans la première partie de ce mémoire, nous avons illustré l’intérêt de l’analyse cytologique de l’expectoration induite) l’orientation diagnostique en pathologie pulmonaire. Si l’hyperéosinophilie et la neutrophilie sputaire ont été antérieurement décrites respectivement dans l’asthme et dans la broncho-pneumopathie chronique obstructive (Gibson 1989, Pin 1992, Fahy 1993), cette étude est à notre connaissance, la première à décrire une lymphocytose accrue de l’expectoration induite dans la tuberculose de même qu’une neutrophilie significative chez des siderurgistes exposés à des poussières industrielles ou des polluants. Ces constatations pourraient avoir des implications pratiques dans la prévention de certaines maladies professionnelles en rapports avec la sidérurgie ou dans le diagnostic différentiel des pneumopathies. En outre, les résultats de notre étude bactériologique réalisée sur un nombre modeste d’échantillons suggèrent le bon rendement de l’expectoration induite dans la recherche de BK par rapport à d’autre technique usuelle (Chap. 6).

Nous avons surtout démontré l’intérêt de cette technique dans l’exploration des réactions immuno-inflammatoires de la muqueuse bronchique, grâce à l’utilisation de la cytofluorimétrie en flux qui permet d’étudier certains phénotypes cellulaires. Après avoir défini des conditions optimales d’incubation et de concentration d’anticorps monoclonaux, notre travail a permis d’ébaucher certains types de phénotypes cellulaires propres à diverses pathologies.

Au niveau de la technique d’induction de l’expectoration, nous avons amélioré ma qualité des spécimens recueillis en imposant aux sujets, plusieurs rinçages de la cavité buccale en particulier avant chaque effort d’expectoration. Par ailleurs, la dispersion des cellules et la lecture des frottis cellulaires ont été considérablement facilitées par l’incubation des cellules dans un milieu contenant de l’EDTA (PBS + EDTA). L’Induction de l’expectoration est généralement bien tolérée même lors de l’inhalation d’une solution saline de 5%.

Dans la deuxième partie de notre travail, nous avons appliqué l’analyse phénotypique des cellules de l’expectoration induite à des sujets infectés par le HIV et à des sujets séronégatifs souffrant d’autres affections du système respiratoire. La comparaison à un groupe de sujets sains nous a permis de mettre en évidence quelques anomalies quantitatives ou qualitatives dans les marqueurs de l’expectoration induite chez les patients étudiés.

Ainsi, nous avons observé une fréquence plus réduite de lymphocytes T CD 4+ et les lymphocytes exprimant le CD 18(chaine ß des ß2- intégrines) mais par contre, un accroissement de la fréquence de lymphocytes T CD8+ dans l’expectoration induite des sujets infectés par le HIV par rapport aux volontaires sains.

L’analyse menée sur les macrophages sputaires a révélé principalement une fréquence réduite de cellules exprimant CR3 et dans une moindre mesure, le CD18 et le HLA-DR chez les sujets infectés par le HIV. Un point essentiel de ce travail était de déterminer la spécificité des anomalies phénotypiques des cellules sputaires observées dans l’infection HIV. Pour ce faire, nous avons comparé nos patients à des sujets séronégatifs souffrant de tuberculose pulmonaires, de néoplasie bronchopulmonaire ou de bronchopneumonie non spécifique. A ce sujet, nos résultats ont révélé une lymphopénie T CD4+ sputaire plus marquée dans l’infection HIV. Celle-ci semble porter préférentiellement sur les cellules T CD4+ mémoires (CD 45RO). Nous avons également observé une réduction de l’expression du  CD18 sur les lymphocytes sputaires mais un accroissement de la lymphocytose CD8 relative dans l’infection HIV. Une analyse semblable menée sur les marqueurs macrophagiques a montré une réduction significative de l’expression du CR3 et du CD18 analysée avec une évolution clinique péjorative chez nos sujets infectés par le HIV.

Dans la troisième partie de notre travail, nous nous sommes intéressé à analyser un aspect fonctionnel des cellules de l’expectoration induite à savoir, la production de cytokines. Nous avons stimulé les cellules sputaires à l’aide de la PPD connue pour être un activateur polyclonal favorisant les réponses de types THI. Par comparaison à un groupe de sujets sains, notre analyse a montré une libération significativement plus réduite de l’IFN- une production modérément réduite de l’IL-2 mais une libération accrue de l’IL-4 chez les sujets infectés par le HIV.

Par rapport à un groupe de sujets séronégatifs atteints de tuberculose pulmonaires, la production de l’IFN- est apparue réduite chez nos sujets infectés par le HIV. La libération de l’IL-4 était plus importante chez ces derniers.
Pour ces différentes cytokines, nous reconnaissons qu’il aurait été très intéressant d’étudier l’effet d’autres stimuli que la PPD sur les lymphocytes T-helpers et surtout de considérer le nombre de ces lymphocytes dans les échantillons analysés.
Il serait également très intéressant de déterminer l’influence d’autres cellules comme les mastocytes et les cellules épithéliales bronchiques sur le profil sécrétoire des cytokines au niveau de la muqueuse respiratoire. Nos résultats comme ceux de Clerici et Sheater sur les cellules sanguines suggèrent néanmoins une tendance à la prépondérance du profil TH2 sur le profil  TH1 des cytokines dans l’évolution de l’infection HIV. La validation de la méthode appelle certainement une analyse sur un plus grands nombre de sujets incluant une étude de la cinétique de production de cytokines.

Ces résultats pourraient être exploités en clinique dans le but de définir les sujets à risque de développer des complications pulmonaires en vue d’instaurer une prévention précoce et adéquate. La définition de marqueurs phénotypiques complémentaires à la lymphopénie T CD4+ tissulaire et plus spécifiques de cellules immunocompétences (macrophages, cellules dendritiques) devrait permettre une meilleur appréciation des phénomènes immuno-inflammatoires au niveau de l’appareil respiratoire.

Perspectives

Les nouvelles thérapeutiques antirétrovirales permettent dans la plupart de cas une réduction majeure de la charge virale au niveau sanguin ou plasmatique. Certains auteurs comme David Ho se sont servis de modèles mathématiques et ont proposé que le virus puisse être totalement éliminé de l’organisme après 2 ou 3 ans si une thérapeutique optimale était maintenue. Néanmoins, il est nécessaire de vérifier régulièrement le niveau de la charge virale au niveau des organes lymphoïdes pour que proposé la réalisation des biopsies ganglionnaires répétées (3 à 4 fois par an) pour adapter la thérapeutique. Nous pensons que des techniques non invasives qui permettent d’accéder au matériel cellulaire des immunologique, virologique, et thérapeutique des patient infectés par le HIV. L’expectoration induite qui ramène les sécrétions jouxtant la muqueuse respiratoire pourrait donc se positionner comme une alternative valable aux méthodes plus invasives dans l’évaluation immunologique pulmonaire. Toutefois, cette technique doit encore être standardisée dans sa réalisation et dans l’interprétation des résultats en vue de son adaptation en pratique routinière ou comme de recherche en pneumologie.