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EDITORIAL

Dans la douleur d’enfantement, le cliquetis des propos délirants et les détonations des clameurs stressantes dans le lit de la 3 République naissante du Congo continental chauffé à blanc, le deuxième numéro des « PISTES DU SAVOIR » de l’Association des Bibliothécaires, Archivistes, Documentalistes et Muséologues de la RDC «ABADOM » est là. Cette 2ème parution de la lumière enseignante pour ne pas dire documentaliste est la résultante du «Cocorico », le réveil strident de notre ministère coopérant qui soutient l’Association Congolaise des Professionnels de l’information documentaire et scientifique.

Si le monde va de nouveau savourer I’ABADOM cogitant, le ministère se réjouit d’avoir rencontré des professionnels organisés, des savants timoniers, des documentalistes humbles dont la répugnance de la médiocrité avilissante et la tendance modeste et distinguée vers l’excellence caractérisent l’association dont nous avons l’insigne honneur de parrainer.

Comment pourrait-il en être autrement ? L’ABADOM regroupe les gestionnaires des temples du savoir, détenteurs de la clé du savoir, dispensateurs de l’information scientifique et technique où réside le secret des nations qui se sont développées; ils sont conservateurs de la mémoire de l’humanité et la lumière du futur. Enseignant des enseignants, le bibliothécaire l’est par essence de son métier et l’étymologie de « docere » latin. Si DESCARTES ne vit que celui qui pense, nous sommes tout heureux de constater que 1’ABADOM se distingue dans un environnement où plusieurs ateliers sont réduits au silence, à la tradition des publications scientifiques reléguée au second plan pour raisons bien évidentes. « Cogito ergo sum » dixit René Descartes. Dans la mesure où 1’ABADOM réfléchit, écrit et publie, attestons à la lumière de ces indices à l’instar des signes universellement admis que cette association vit et peut mériter respect des autres.

Voilà la perche tendue à l’humanité et à la RDC en particulier. Voilà la lumière qui chasse la nuit de l’ignorance et conduit sur les hauteurs de l’excellence. Les pistes du savoir sont ouvertes et suffisamment éclairées. Ainsi, invitons-nous les boulimiques, les bûcheurs, les butineurs et autres aspirants en quête de la sapiensité à se régaler à la prytanée tant enviée par SOCRATE.

Dans le deuxième numéro, vous voudrez bien lire les articles sur les bibliothèques et les centres de documentation, ceux se rapportant aux sciences humaines et surtout sur les techniques appliquées mettant ainsi en exergue la multidisciplinarité de la revue de cette association dont je salue les efforts menés dans le cadre de la valorisation de nos bibliothèques en général et les bibliothèques universitaires en particulier.

C’est donc avec fierté, joie exaltante et contentement indicible que nous formulons pour les «LES PISTES DU SAVOIR », revue scientifique de I’ABADOM, nos vœux de longévité, de prodigalité débordante et la ferme assurance de l’engagement de notre ministère qui soutient cette association et l’accompagne vers sa maturation. Puisse 1’ABADOM s’élever au-dessus des turpitudes, atermoiements et vilaines pesanteurs pour donner à la RDC l’éblouissante lumière qui lui manque pour sortir de l’ornière. Nous vous le souhaitons sincèrement, durablement et ardemment.

Le Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire

Prof. Léonard MASHAKO MAMBA


Tout Congolais a le droit de lire

Par

Hubert MWEMBIE BANGATA-MBATA et

Désiré Didier TENGENEZA BAGUMA

Introduction

“Chacun a le droit de lire” tel est le titre donné à l’article premier de la Charte du livre, pour montrer que celle-ci repose sur les mêmes principes fondamentaux que la Déclaration Universelle de droits de l’homme (BARKER, 1976).

A l’approche de l’année internationale du livre en 1972, l’Union Internationale des éditeurs avait conçu l’idée d’une charte du livre où le rôle de celui-ci est exposé dans l’éducation, la vie de l’esprit, l’exercice de la liberté et la compréhension internationale.

Le livre demeure un mode d’expression privilégié de la diversité culturelle et l’outil indispensable d’accès au savoir et de circulation des idées, malgré la pénétration des médias et le développement rapide des technologies de l’information et de la communication (L’Organisation Internationale de la Francophonie).

La lecture de livres en tant qu’activité subit depuis longtemps la concurrence des nouvelles activités de loisirs (télévision, sport, musique, jeux vidéo), (Hersent, 2000).

De ce fait, elle rencontre, en tant qu’activité librement choisie en dehors de toute contrainte scolaire ou professionnelle, des difficultés croissantes à s’inscrire dans le temps de loisirs, lequel est vécu majoritairement comme le temps de délassement, du plaisir et de la convivialité, notamment par les jeunes générations.

Tout bon pédagogue sait qu’un enfant n’a appris à lire que s’il est à la fois capable de décoder et de comprendre ce qu’il lit.

« Apprendre à lire, c’est apprendre à construire des significations à partir d’une extraction; c’est aussi utiliser, à chaque moment, l’information déjà recueillie pour traiter la suite du message » (Estienne, 1982 cité par Biaya wa Mbiya, Joseph dans son mémoire de D.S.B).

La société doit faire en sorte que chacun puisse bénéficier des bienfaits de la lecture. Dans un monde où l’analphabétisme empêche une large fraction de la population d’accéder aux livres, les gouvernements ont le devoir de contribuer à l’élimination de ce fléau. Ils doivent encourager la production du matériel imprimé nécessaire à l’apprentissage de la lecture et au maintien de l’aptitude à lire.

Si besoin est, une assistance bilatérale ou multilatérale devrait être accordée aux diverses professions du livre. Pour leur part, les producteurs et les distributeurs de livres ont l’obligation de veiller à ce que les idées et les informations transmises par le mot imprimé suivent l’évolution des besoins des lecteurs et de la société toute entière.

Le devoir d’assurer à son peuple l’accès à l’éducation, à l’instruction, à l’information et aux loisirs est pour tout ETAT d’une impérieuse priorité. Pour ce faire, depuis des siècles les pays développés s’efforcent de garantir à leurs peuples les différents moyens d’accès à l’épanouissement tant individuel que collectif.

Pour des raisons d’orientation de notre réflexion, nous avons articulé notre propos autour de trois points principaux suivis par quelques pistes de développement et une conclusion :

  1. la situation en République Démocratique du Congo ;
  2. les habitudes de lecture ;
  3. comment conduire le livre au lecteur et le lecteur au livre ?
  4. quelques pistes de développement et conclusion.

  1. Situation en République Démocratique du Congo

L’analphabétisme et l’illettrisme en R.D. Congo ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, pays de tradition orale, le Congo n’a pu découvrir l’écriture telle que nous la vivons aujourd’hui qu’à l’arrivée des missionnaires et plus tard par le Colonisateur Belge.

Depuis 1960, date de l’accession du pays à sa souveraineté nationale, le système éducatif congolais connaît une forte déperdition scolaire en milieux ruraux et surtout dans les zones minières. L’on notera également peu d’engouement de la jeunesse à la lecture. Le grand retard enregistré dans ce domaine est dû au manque d’une politique culturelle nationale.

L’école est le premier lieu institutionnel et privilégié où le livre trouve toute sa place, celle de compagnon indispensable à une éducation de qualité. Par la suite, à l’école secondaire et à l’université, c’est encore grâce aux livres que l’élève ou l’étudiant pourront parfaire leurs connaissances.

Malgré cela, aujourd’hui encore certaines personnes ne savent pas lire, parce qu’elles n’ont jamais appris à lire. Ce sont des analphabètes, qui pour des raisons fort diverses, ont échappé à la scolarisation.

Les différents ministères de l’Education Nationale, Affaires Sociales, Culture et Arts, les Ambassades et quelques organisations non gouvernementales ont tenté tant bien que mal à remédier à cette situation, mais celle-ci persiste comme le VIH/SIDA, parce que nos dirigeants ne semblent pas encore admettre que l’édification des écoles et des bibliothèques au Congo Soit un maillon essentiel au développement socio-économique. Ils n’accordent que très peu d’attention aux bibliothèques et à la lecture publique, alors qu’elles sont les socles de toute instruction publique. (KITAMBALA, en ligne).

Toutefois, la Commission socio-culturelle de la CNS a réalisé un travail qui mérite d’être réhabilité si la R.D.C veut se doter d’une politique culturelle digne de son nom, car l’analphabétisme et l’illettrisme constituent incontestablement un frein au développement aussi bien des individus que des nations.

  1. Les habitudes de lecture

Les habitudes de lecture sont plus difficiles à étudier, car l’observation directe du comportement ne révèle que le geste extérieur et non l’acte de lecture dont il n’est que l’apparence souvent trompeuse. Il serait souhaitable que l’Etat congolais finance une enquête sociologique portant sur la lecture publique.

La lecture est la reconstruction d’une œuvre nouvelle par le lecteur à partir d’une situation donnée. Elle est caractérisée par un affrontement entre les contraintes du texte et la prédisposition que le lecteur apporte à son acte de lecture.

La plupart des enquêtes sur la lecture tentent de déterminer la quantité et la nature des ouvrages lus par une population ainsi que les investissements en temps ou en argent consacrés par cette population à la lecture (BARKER, 1976).

Une enquête menée en France en 1967 par l’Institut Français de l’Opinion Publique sur une population de 6 865 personnes avait trouvé 53 % de non-lecteurs. Ce pourcentage constitua un choc pour l’opinion française. Nous pouvons admettre que même dans les pays les plus développés une forte proportion en mesure de lire ne lit jamais ou pratiquement jamais de livres.

Les statistiques pour leur part ne donnent que le volume, le rythme, l’insertion sociale d’une consommation des documents imprimés qui n’est pas forcément la lecture.

Le vrai problème de non-lecture se situe au niveau des adultes et particulièrement au niveau des adolescents qui sont plus vulnérables que d’autres catégories à la rechute dans l’analphabétisme qui entraîne l’absence de pratique de lecture.

La bonne pratique de lecture de l’enfance et de l’adolescence encadrée dans les systèmes de l’enseignement est brutalement interrompue à la fin de la scolarité et faute d’une structure d’accueil, elle est souvent abandonnée.

  1. Comment conduire le livre au lecteur et lecteur au livre ?

Il y a quelques siècles, le livre a été exclusivement traité comme un produit de luxe ou du moins comme un produit de consommation réservée à une certaine classe aisée de la population. Le cas des évolués du Congo est très illustratif lorsqu’on lit le périodique « La voix du Congolais », 1945-1960.

Dans les enquêtes, les personnes interrogées répondent fréquemment qu’elles n’achètent pas de livres en raison de leur prix. Un autre prétexte souvent avancé pour justifier la non-lecture, c’est le manque de temps.

Le problème du prix est lié à celui de distribution et c’est dans la distribution que réside la vraie difficulté. Depuis longtemps les grandes bibliothèques et les grandes librairies conçues pour desservir une minorité (lettrée) sont situées à Kinshasa et dans quelques chefs-lieux des provinces, hors de portée du lecteur ouvrier ou du lecteur paysan de Sandoa ou de Ngandajika. Et même à Kinshasa, la commune de la Gombe est la mieux servie au détriment des autres.

Toutes ces difficultés illustrent bien le fait que la lecture ne puisse être implantée arbitrairement dans une société qui ne possède pas les structures de base pour l’accueillir et où une politique socio-culturelle d’ensemble ne crée pas les conditions nécessaires à son développement.

Conduire un lecteur au livre ne signifie rien si l’on ne dispose pas de livres vers lesquels ses motivations l’appellent; de même le lecteur doit être en mesure de s’exprimer pour ses goûts.

Dans un même ouvrage certaines personnes peuvent chercher une information, d’autres une évasion, d’autres encore un enrichissement intérieur.

  1. Les pistes de développement et conclusion

Si la lecture est finalement un acte individuel relevant du libre arbitre de chacun, il est de la responsabilité du pouvoir public, «l’Etat Congolais » que soient réunies les conditions permettant à tous d’être mis en contact avec le livre. Nous suggérons quelques pistes de développement, à savoir :

La priorité absolue de créer le réseau des bibliothèques publiques ainsi que celui des librairies sur l’ensemble du territoire national ;

Apporter l’aide aux manifestations culturelles qui peuvent permettre à un public de non-lecteur de rencontrer les livres ;

Cibler le public dit empêché: malades hospitalisés, détenus des établissements pénitentiaires. Cet acte traduit une volonté de toucher un public spécifique qu’il importe de sensibiliser en premier les enfants, que ce soit à titre individuel ou dans le cadre scolaire (BAKER, 1976).

Former des bibliothécaires dynamiques sur lesquels on peut compter, c’est cela investir pour aujourd’hui et pour demain et acquérir des nouveaux ouvrages;

Que les foyers de diffusion des livres reprennent leurs circuits comme il l’a été sous l’impulsion des missionnaires (NGWANZA, 2004).

Le ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel devrait remettre en question son programme des cours en augmentant le nombre d’heures de leçons de lecture courante et silencieuse au premier et deuxième degré de l’école primaire et au secondaire, les professeurs de français doivent contraindre les élèves à lire au moins un livre par mois et faire sa restitution.

La non-visibilité du Ministère de la Culture et des Arts dans le Congo profond est plus remarquable.

Pour pallier cette situation de carence en matière de lecture publique et des bibliothèques, il est urgent de mettre sur pied des réseaux de documentation à travers l’ensemble du territoire national; non seulement dans les villes mais plus encore dans les vastes régions rurales, souvent dépourvues de livres. Chaque territoire, collectivité, école devrait posséder au moins une bibliothèque.


BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

  1. BARKER, Ronald et ESCARPIT, Robert. – La faim de lire.- Paris : Unesco, PUF, 1976. – l64 p.
  2. L’Organisation Internationale de la Francophonie. – Le livre et la lecture publique: Initiatives de l’Organisation de la Francophonie, 2006 [en ligne].

3 HERSENT, Jean-François. – Sociologie de la lecture en France: Etat des lieux: Essai de synthèse de travaux de recherche menés en France.- Paris : Direction du livre et de la lecture, 200,- 91 p.

  1. BIAYA wa Mbiya Joseph. – La Bibliothèque de lecture publique et la lutte contre l’analphabétisme et l’illettrisme dans la ville de Kinshasa : Problèmes et pistes de solutions.- [s.l.] : [s.n.], Mém. Bibliothéco ; Unikin : Kinshasa, 2000.
  2. KITAMBALA, Danwan’Essa Hippolyte. – Les Bibliothèques Universitaires de la République Démocratique du Congo et le défi des nouvelles technologies de l’information [en ligne].

6. NGWANZA, Kasong Marc.- La promotion de la lecture comme véritable soubassement de la nouvelle politique de lire.- 1er Colloque Congolais de Bibliologie du Comité Congolais de l’Association Internationale de Bibliologie du 27 nov. au 3 déc. 2004.